The Florida Project (2017) : that's the power of magic


The Florida Project est la pépite méconnue du Festival de Cannes 2017. Après Tangerine (2015), Sean Baker revient sur nos écrans et confirme son talent avec un film engagé, révolté et saisissant. 

La face cachée de l'Amérique

En 2016, plus de 66 millions de touristes se sont rendus à Orlando, aux États Unis, pour profiter de l'immense parc d'attraction Disneyworld, première source de revenus pour l'Etat de Floride. En lisière du complexe, un grand nombre de motels, initialement construits pour accueillir les visiteurs, tombent en ruines et hébergent maintenant des personnes en grandes difficultés financières. C'est sur le Magic Castle Motel, reconnaissable entre tous par sa façade peinte en violet pétant, et sur ses locataires que la caméra se pose dès la première scène.



Sean Baker filme cet espace géographique de manière quasi documentaire, faisant de The Florida Project une sorte de cinéma naturaliste. L’équipe du film a séjourné dans ces lieux, tous authentiques, et interviewé de nombreux résidents à temps plein afin d’aboutir à une représentation la plus fidèle de leurs conditions de vie. Ce réalisme est de plus renforcé par la présence de nombreux acteurs amateurs dans le casting, dont Bria Vinaite (Halley), recrutée sur le réseau social Vine, ou encore Christopher Rivera (Scooty), habitant de l’un des motels. On peut aussi noter la grande part d’improvisation dans les scènes où les enfants sont seuls, qui montrent avec authenticité comment l’imagination peut tromper l’ennui dans ce quotidien morose.



Cette approche naturaliste fait la force de The Florida Project mais constitue aussi sa faiblesse. Le film peine à développer un scénario propre comprenant un véritable développement des personnages. L’histoire que raconte le film est celle de millions d’américains des classes populaires, elle a donc vocation à être le plus inclusive. L’oeuvre n’aurait-elle dès lors pas eu plus de pertinence si elle était directement présentée sous la forme d’un documentaire ? 

L’innocence de l’enfance

C'est à travers les yeux d'une bande d'enfants guidée par Moonee (Brooklynn Prince), 6 ans, que le réalisateur choisit de nous présenter cet espace. En plein été, les trois gamins sont seuls toute la journée et passent leur temps à traîner et à enchaîner les (grosses) bêtises (cracher sur les voitures, incendier une maison abandonnée...). Ils sont agaçants, malpolis voire irrespectueux mais leur imagination débordante leur permet de sortir de leur quotidien.
La réalité est donc peu à peu dévoilée au spectateur, au rythme où les enfants eux mêmes la découvrent. On pense aux bains que prend Moonee de manière récurrente, qui cachent ce qui se passe dans la pièce d’à côté jusqu’à ce que la réalité ne fasse irruption dans la salle de bain.  La seule présence d'autorité est celle du gérant du motel, interprété par brio par Willem Dafoe, qui tente tant bien que mal de concilier ses responsabilités de manager avec l'attachement qu'il a pour ses résidents.



Ce choix de point de vue permet à The Florida Project de montrer la pauvreté de manière frontale, mais sans qu’il n’y ait d’apitoiement ou de jugement sur les personnages et leurs actions. La vision pleine d’imagination propre à l’enfance justifie aussi l’esthétique très colorée du film, qui contraste avec les évènements et les conditions de vie des habitants. Pour ces gamins, tout est un jeu ou une aventure, ils modifient la réalité à leur envie, s’évadant dans un monde lumineux et coloré, en totale opposition avec leurs chambres, sous-éclairées et à l’apparence peu ragoûtante. Le refus du “monde des adultes” trouve son paroxysme dans la scène finale, où Moonee se voit rattrapée par la réalité, à laquelle elle tourne littéralement le dos pour s’enfuir dans l’imaginaire avec sa copine Jancey.


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