Le Grand Jeu (2018) : All-in


Le Grand Jeu est le premier film d’Aaron Sorkin, scénariste reconnu auteur entre autres du très bon The Social Network (2010) de David Fincher. Pour ses débuts derrière la caméra il s’attaque à l’histoire incroyable mais vraie de Molly Bloom, ancienne skieuse professionnelle devenue organisatrice de tournois de poker clandestins. Ce premier film remporte-t-il la mise ?

Une femme de pouvoir

Après Zero Dark Thirty, Interstellar ou encore Miss Sloane, Jessica Chastain interprète Molly Bloom, et confirme encore une fois être une actrice de haut niveau. Elle saisit complètement ce personnage, son passé et ses enjeux, et crève l’écran pendant près de 2h30. Bloom est omniprésente dans toutes les scènes, que ce soit physiquement ou par intermédiaire d’une voix off narrant les évènements. De par sa carrière de sportive de haut niveau, elle s’est forgée un caractère persévérant, ambitieux et réfléchi. Contrainte d’abandonner sa passion et le rêve des Jeux Olympiques, elle parvient à une ascension fulgurante en saisissant les opportunités qui s’offrent à elle, les coups dur qu’elle subit devenant des tremplins à sa réussite.


Molly Bloom devient ainsi une femme puissante et côtoie l’élite : acteurs, sportifs, politiques et hommes d’affaires. Tout ce beau monde est exclusivement masculin (on ne voit pas une seule femme à la table de poker), et bien qu’extrêmement influents, les joueurs doivent tous se plier à ses règles. On apprécie de voir ce genre de personnage féminin représenté à l’écran, d’autant plus que le film a l’intelligence d’attribuer la réussite de Molly à son intellect et non à son physique. Oui, une femme peut être sexy et intelligente sans avoir besoin d’user de l’un pour servir l’autre.



Cette femme est tout de même présentée de manière tellement intègre qu’on a du mal à y croire. Molly ne se laisse que très peu corrompre par le milieu dans lequel elle évolue : elle tente de soigner l’addiction de certains joueurs, refuse d’entrer dans l’illégalité en prenant une commission (au moins pendant un temps) ou en recouvrant les dettes des joueurs par la force. Aaron Sorkin explique cependant s’être basé sur le livre autobiographique de Molly Bloom, qui dresse elle-même ce portrait improbable. Jessica Chastain parvient malgré tout à rendre cette femme crédible et à susciter de l’empathie.

Un scénario bien ficelé

Le scénario se base sur le principe du “rise and fall”, qui décrit l’ascension d’un personnage, son apogée et sa chute. Si le Grand Jeu ne réinvente pas le genre, l’ensemble fonctionne quand même bien. Sa construction sur trois temporalités qui s’entrecroisent à coup de flashbacks (enfance/adolescence, carrière dans le poker, procès) donne du rythme au film et sert le propos. La Molly Bloom que l’on entend en voix-off est celle du présent (juste avant le procès), ses commentaires détachés sur les évènements apportent ainsi une touche originale.


Le film parvient par ailleurs à trouver un bon équilibre concernant le monde du poker, et réussit à être pédagogue pour les néophytes sans en devenir rébarbatif. On apprécie également la distinction faite entre le jeu et l’addiction, qui évite l’écueil de la publicité préventive.

Enfin, si Jessica Chastain vole la vedette, les seconds rôles sont efficaces : Idris Elba (l’avocat Charlie Jaffey) et Kevin Costner (le père) livrent une bonne interprétation.



Si le Grand Jeu souffre parfois de quelques longueurs (on pense à la trop longue scène de réconciliation entre Molly et son père), Aaron Sorkin rafle quand même la mise avec ce biopic surprenant et féministe (?). 

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