Downsizing est le dernier film d’Alexander Payne, présenté à
l’ouverture du festival de Venise, et qui a suscité chez nous quelques espoirs
de par son casting (Matt Damon en tête d’affiche) et son idée de départ assez
originale : pour lutter contre la surpopulation et ses effets néfastes sur
l’environnement, des chercheurs norvégiens ont mis au point une technologie
permettant de réduire la taille des humains à environ douze centimètres. De
cette façon, l’humanité pourrait éviter une catastrophe climatique et élever
considérablement son niveau de vie… Tentant, n’est-ce pas ?
Une idée sous-exploitée
Downsizing commence de manière prometteuse : le film évoque
dans un premier temps la mise au point et le dévoilement de cette technologie
ainsi que ses premiers effets sur la société. 15 ans plus tard,
Paul Safranek
(
Matt Damon) et sa femme
Audrey (
Kristen Wiig), désireux d’améliorer leur standard de vie,
décident de franchir le pas. Cette première demi-heure éveille notre intérêt,
on est en effet bien curieux de savoir quelles seront les conséquences
physiques, psychologiques et sociales de ce choix.
Malheureusement, une fois la transition (et le retournement
scénaristique) effectués,
Alexander Payne se perd progressivement dans son
univers. En voulant dénoncer une multitude de choses à la fois, il ne traite
finalement aucun sujet en profondeur.
Leisureland, la ville de rêve où s’est
installé Paul, se révèle une exacte reproduction des inégalités sociales des
Etats-Unis, où les immigrés sont marginalisés en banlieue tandis qu’une
minorité s’accapare l’essentiel des richesses. Si cette remise en question de
l’American way of life semble dans un premier temps pertinente, le réalisateur
opère un brusque volte-face au deux tiers du film pour se recentrer sur le
sujet initial : celui du changement climatique.
C’est alors que l’on découvre avec effarement une image
complètement caricaturale des “écolos”, représentés comme des marginaux en
sarouel vivant dans les bois et passant leurs journées à jouer du djembé autour
d’un feu de camp. Pour la crédibilité du propos, on repassera…
Une mise en scène discutable
Sur la forme également, le film s’essouffle passée la
première demi-heure. Le contraste entre les humains de taille “normale” et ceux
qui se sont fait rétrécir, pourtant marqué au début, disparaît complètement
après l’intervention subie par Paul. A aucun moment, on ne voit réellement à
travers les yeux d’un lilliputien le monde “vu d’en bas” et les “normaux”, qui
auraient pu être représentés comme des géants, disparaissent du tableau.
Ce manque de perspective est particulièrement gênant dans le
dernier acte du film, qui se déroule au beau milieu d’un fjord en Norvège :
comment un bateau de la taille d’un jouet transportant des passagers de 12
centimètres peut-il naviguer dans la mer sans être ballotté dans tous les sens ?
Dès lors, le monde d’Alexander Payne perd de sa cohérence et brise l’immersion.
L’homme qui rétrécit, pourtant sorti en 1957, faisait bien mieux dans ce
registre !
Des personnages caricaturaux
Matt Damon, comme à son habitude, brille dans son rôle de
“mec normal” un peu dépassé par les événements et évite au film, pourtant
bancal, de s’effondrer complètement. On ne peut pas en dire autant de
l’écriture des seconds rôles, caricaturaux et à la limite du ridicule.
Ngoc Lan Tran (
Hong Chau), une réfugiée vietnamienne
miniaturisée de force est affublée en VO d’un accent extrêmement prononcé qui
l’enferme dans un cliché vaguement raciste de l’immigrée asiatique gentille
mais un peu naïve. C’est dommage car le grand talent de l’actrice ne parvient
pas à nous faire passer outre les choix de réalisation peu cohérents du
réalisateur. De même, le fait de choisir
Christoph Waltz, acteur germano-autrichien,
pour jouer le rôle d’un contrebandier serbe, est pour le moins discutable,
d’autant plus que l’acteur (qu’on aime beaucoup d’habitude) surjoue
complètement.
Downsizing est donc une déception : son postulat de base,
pourtant intéressant, se révèle être une coquille vide renfermant 2h20 d’ennui.
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