Pour son 6ème film, George Clooney revient avec une satire de la
société américaine des années 50 (à l’instar de son film à
succès Good Night, And Good Luck, sorti en 2005), et ressort du
placard un scénario écrit par les frères Coen à la fin des années
80. En mélangeant petite et grande histoire, Bienvenue à Suburbicon
réussit-il son pari ?
Le film débute comme une brochure publicitaire : Suburbicon est
une ville pavillonnaire de 60 000 habitants qui incarne l’American
Way of Life, très fière de la paisible communauté qu’elle a
réussi à bâtir. L’équilibre va cependant être perturbé
lorsqu’une famille noire s’y installe, les résidents blancs (et
racistes), entrant dans une paranoïa qui ira grandissante tout au
long du récit.
Parallèlement, un drame se déroule chez les Lodge, famille
voisine, et parfaite en apparence. Alors que deux individus
s’introduisent en pleine nuit dans la maison, Rose (Julianne
Moore), la mère de famille, est assassinée. Les meurtriers se
révèlent être des mafieux qui semblent avoir des comptes à régler
avec Gardner Lodge (Matt Damon), le père de famille. Suite à ce
décès, la soeur de Rose, Margaret, s’installe dans la maison pour
veiller sur Nicky (Noah Jupe) qui vient de perdre sa maman.
Un casting aux petits oignons
Si Rose meurt très vite au début du film, il n’en est pas fini
de Julianne Moore. En effet celle-ci joue également le rôle de
Margaret, soeur jumelle de la défunte. Sa performance est
remarquable, et nous prouve une fois de plus qu’elle est l’une
des meilleures actrices de notre époque. L’actrice excelle à
représenter toute la palette des émotions, et parvient
particulièrement bien à nous mettre mal à l’aise : un seul de
ses sourire suffit à donner envie de partir en courant !
Matt Damon est lui aussi très convaincant dans ce rôle d’homme
faussement ordinaire qui lui va comme un gant. Clooney l’a
justement choisi pour cette raison : il serait le seul acteur
d’Hollywood très célèbre qui n’ait pas une “tête de star”.
Nicky, fils de Gardner et Rose n’est pas en reste. Noah Jupe, à
seulement 13 ans, assure à fond son rôle et suscite une très bonne
surprise. Son personnage est central à la compréhension de
l’intrigue, le spectateur assemble les différentes pièces du
puzzle au travers de ses yeux et de ses oreilles. Il sert de plus de
lien avec le contexte d’effondrement de la communauté de par son
amitié avec Andy, l’enfant noir de la maison d’à côté.
Satire sociale américaine
Suburbicon et sa communauté forment un personnage à part
entière, évoluant indépendamment de l’intrigue principale mais
dans la même direction et à la même vitesse. A mesure que les
événements se précipitent chez les Lodge, la communauté
s’embrase, victime de ses peurs irrationnelles et de son racisme.
On assiste à une escalade de la discrimination et de la violence
tout au long du film, les remarques désobligeantes se transformant
en agression. Cette violence raciale forme la toile de fond du
long-métrage, sans jamais venir en déranger l’intrigue
principale. C’est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse
du film. Dans un sens, ce contexte apporte de la profondeur au drame
familial car il permet de l’appréhender au travers d’un prisme
historique (notamment le conditionnement par le milieu social). Ce
dernier n’est cependant pas exploré assez en profondeur, on reste
donc un peu sur notre faim.
Sur la forme, Bienvenue à Suburbicon est très influencé par les
frères Coen. Les deux mafieux rappellent notamment les deux
gangsters de Fargo, et la mise en scène fait “old-school”. On
remarque par exemple la forte saturation des couleurs qui donne un
ton très criard et qui contraste d’autant plus avec les
événements.
La narration peine à trouver son rythme dans la première partie,
heureusement cette lacune est comblée dans la deuxième moitié du
film, où les événements s’enchaînent à grande vitesse avec
fluidité, sans laisser au spectateur une seconde de répit.
Sans être parfait, Suburbicon alterne drame et comédie, est
original, frais et rythmé. Il mérite amplement le détour !
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