Les Conquérantes (2017) : on a connu les suisses plus à l'heure

Nous sommes en 1971. Toute l’Europe a accordé le droit de vote aux femmes... Toute? Non! Un petit pays d'irréductibles montagnards résiste encore et toujours au progressisme !

Le ton de la comédie est donné d’entrée. Les Conquérantes s’ouvre sur une succession d’images d’archives qui retracent les mouvements d’émancipation qui secouent le monde à cette période (mai 68, Woodstock, etc.), avant de passer brutalement à ce petit village suisse où il ne se passe… rien. Le débat autour du référendum sur le droit de vote des femmes à venir ne déchaîne pas les passions, puisque même la majorité des intéressées semble y être opposée.
Pourtant, des idées d’indépendance font lentement leur chemin dans l’esprit de Nora, principale protagoniste et femme au foyer, qui n’avait jusqu’à ce jour jamais songé à remettre en question l’ordre établi.


Entre son contexte original et peu exploité jusqu’ici (féminisme en milieu rural) et son approche légère de la lutte sociale, le film de Petra Volpe, aux airs de feel good movie, est entraînant. Les personnages, bien que trop caricaturaux, sont attachants et filmés avec beaucoup d’empathie.
Il n’y a ici pas de “gentils” contre “méchants”. Si la lutte pour le droit de vote est évidemment une cause juste, on remarque très vite que celle-ci ne se résume pas à une guerre des sexes. Hans, le mari de Nora, avoue en cachette vouloir voter pour, mais n’ose pas prendre la parole publiquement à cause de la pression sociale. A l’inverse, la campagne contre le droit de vote est menée par Frau Wipf, femme acariâtre qui dirige la menuiserie du village (et de fait emploie de nombreux hommes, paradoxe quand tu nous tiens). L’opposition au référendum est donc plus une question de maintien de la tradition et de l’ordre social plus qu’une véritable lutte des hommes pour garder leurs privilèges. Le seul à raisonner ainsi est le beau-père de Nora, régulièrement tourné en ridicule même par son propre fils.


La réalisatrice évoque aussi le lien étroit qui unit émancipation politique et libération sexuelle. La politisation de Nora va donc s’accompagner d’une (re)découverte de son corps, donnant lieu à des scènes cocasses comme lorsque après une manifestation, Nora et ses consoeurs se retrouvent dans un cercle hippie où elles doivent apprendre à prononcer le mot “clitoris” à voix haute.



Malgré une réalisation très classique, Petra Volpe signe un long-métrage plaisant et touchant par moments, dont le propos, s’il est d’époque, n’en reste pas moins très actuel. 

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